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 Allègre est fière d'être la commune de naissance de Germaine Tillion,
ethnologue, déportée et résistante

Germaine Tillion (1907-2008) est née à Allègre le 30 mai 1907, où son père fut juge de paix de 1903 à 1917.

 

Il semble qu'elle soit née dans l'immeuble de l'ancienne gendarmerie, situé au 27 de la rue du Mont-Bar ; en tous cas, en 1911, la famille Tillion est recensée comme habitant au deuxième étage de cet immeuble réaménagé vers 1901-1902 et qui abritait alors le logement de quatre gendarmes de la brigade d'Allègre. Cet immeuble fut ensuite vendu, en 1927, au département qui le réunit à l'immeuble voisin et le restructura pour lui donner l'aspect qu'il a gardé jusqu'à la fin du vingtième siècle.

 

ancienne-gendarmerie
L'ancienne gendarmerie dans laquelle a vécu Germaine TILLION

 

Germaine TILLION enfant

 

Germaine Tillion vit à Allègre jusqu'en 1914, date à laquelle elle part pour suivre sa scolarité au Lycée Jeanne d'Arc, à Clermont-Ferrand, puis à la Sorbonne. Depuis, elle n'est revenue qu'une seule fois à Allègre et les souvenirs qu'elle garde de sa vie dans notre commune ont, en partie, été effacés par le temps (presque un siècle !) : des souvenirs de neige, son père allant chercher des branches de sapin pour faire une crèche, des souvenirs de Noël ou de la Fête-Dieu, avec ses décors de fleurs et les draps étendus aux fenêtres,

 

marché à Allegre

de grands marchés, une foire où se louaient des employés de ferme (pour la Saint-Jean ?), la messe du dimanche suivie de l'achat d'un saint-honoré à la pâtisserie Perrin ; le pâtissier, qui tenait également un débit de boissons, sortant un phonographe que l'on entendait de très loin.

 

 

 

 

 

 

Avant-guerre, Germaine Tillion travaille sur les populations nomades berbérophones sous la direction de Marcel Mauss et de Louis Massignon, ce qui l'amène à se rendre fréquemment dans les Aurès qu'elle parcourt à cheval, souvent seule, et parlant le chaouïa.

 Dès le discours de capitulation du maréchal Pétain, le 17 juin 1940, elle rentre en résistance avec ses amis du musée de l'Homme avec lesquels elle formera ce qui sera dénommé plus tard « réseau du musée de l'Homme ». Dénoncée en 1942, par un agent double, elle est déportée à Ravensbrück. Même dans les conditions de vie atroces qui régnaient dans ce camp, elle continue son travail d'ethnologue, observant et essayant de comprendre ce qui avait pu faire naître de tels comportements. Très tôt après sa libération, elle poursuivra cette entreprise, tout en essayant de conserver la mémoire de cette tragédie ; cela l'amènera à élargir son étude à tout l'univers concentrationnaire, y intégrant, dès 1949, la dénonciation des camps soviétiques.

Puis elle revient à l'ethnologie, qu'elle exerce aussi bien de manière spéculative au CNRS et à l'Ecole pratique des Hautes études que de manière concrète quand Jacques Soustelle, un ancien du musée de l'Homme, lui aussi, l'appelle à rejoindre son cabinet de gouverneur général de l'Algérie. Là, dans des circonstances agitées, son amour pour l'Algérie ne se dément pas ; elle milite pour la paix, dénonce l'usage de la torture, tout en restant fidèle à sa patrie et en refusant notamment de s'associer aux appels à l'insoumission : elle crée les centres sociaux destinés à venir en aide aux populations musulmanes ; au moment de la bataille d'Alger, elle rencontre, en pleine Casbah, les chefs nationalistes, Ali la pointe et Yacef Saadi, avec lesquels elle négocie une trêve des attentats qui ne résistera pas au fol engrenage de violence qui caractérise cette guerre ; enfin, elle a l'occasion de constater la situation des détenus et, à son retour, sera à l'origine de l'enseignement dans les prisons. Bien évidemment, ce qu'elle voit en Algérie la préoccupe et elle essaye de sensibiliser ceux des hommes politiques dont, en raison des liens tissés dans la Résistance et la déportation, elle est la plus proche : André Boulloche, Edmond Michelet et, surtout, le général de Gaulle qu'elle rencontre à plusieurs reprises avant son retour au pouvoir, en 1958 ; on sait que les historiens eux-mêmes débattent, encore aujourd'hui, de ce qui a fait évoluer le général de Gaulle sur cette affaire, mais il n'est pas interdit de penser que ces rencontres y ont contribué quelque peu. Sa vie est toujours un combat incessant contre l'esclavage et pour l'émancipation des femmes méditerranéennes, contre la pauvreté, la torture et la peine de mort.

Germaine Tillion m'a reçu à deux reprises, en tant que maire d'Allègre, dans son appartement de Saint-Mandé,  face au bois de Vincennes. Ce qui m'a frappé, au cours de ces entretiens, ce sont, outre sa grande courtoisie et son extrême disponibilité, une empathie profonde pour l'espèce humaine. Jusqu'à ce jour, et même dans son grand âge, elle est restée attentive au monde, n'hésitant pas à faire entendre sa voix dans les grands combats pour l'Homme. Sans avoir jamais eu de rôle politique actif, sans avoir jamais été féministe, Germaine Tillion est l'une des grandes consciences et des grandes femmes de notre temps.

 Germaine TILLION à Saint Mandé

Dans le souci de lui rendre hommage et dans l'espoir qu'elle serve d'exemple pour les générations futures, la commune d'Allègre a donné son nom à une rue, en 1999, et s'est associée, en 2003, à l'hommage qui lui a été rendu par le Théâtre de l'Echappée sous la forme de la création, au Centre Georges Sand, de la pièce de thêatre « le Jardin imparfait ».

J.-L. FRAISSE 2007

« Une grande dame au Panthéon », écrivez-vous

C’est vrai que c’est un motif de fierté pour notre commune, et aussi un moyen de mieux la faire connaître.

La famille n’était pas d’Allègre et avait quitté la commune à la fin de la Guerre. Germaine Tillion, elle-même, n’y est revenue qu’une fois ; elle avait acquis une résidence secondaire en Bretagne où elle avait choisi de se fixer. Ceci explique sans doute qu’elle était peu connue à Allègre et qu’au conseil d’administration du collège, en 1999, ma proposition de donner à celui-ci le nom de Germaine Tillion n’avait recueilli que deux voix… Ensuite, nous avons donné son nom à une rue et à la médiathèque ; grâce, également, au travail qu’a fait le Théâtre de l’Échappée à Allègre et au Puy-en-Velay, en septembre 2003, elle est mieux connue.

En 1996, la connaissant et l’admirant depuis longtemps (sans savoir, au début, qu’elle était née à Allègre), j’avais invoqué ma qualité de maire d’Allègre pour solliciter un entretien de sa part. Elle m’avait reçu à deux reprises, la deuxième fois en 2000 en compagnie de mon épouse, dans son appartement situé en bordure du bois de Vincennes, à Paris.

A chaque fois, elle l’avait fait longuement, avec beaucoup de disponibilité, d’ouverture d’esprit et de sympathie. Je l’avais interrogée sur son enfance à Allègre, mais aussi sur son passé d’ethnologue, de résistante et de déportée, sur l’histoire du 20ème siècle, sur la question algérienne et sur la politique que le général de Gaulle entendait mener à son retour au pouvoir en 1958. J’ai fait le récit de ces rencontres dans l’ouvrage que j’ai publié il y a quelques années.

En avril 2008, pensant qu’il convenait que sa commune natale soit représentée pour rendre hommage à l’un de ses enfants les plus remarquables, je m’étais rendu à son enterrement, qui avait été ordonnancé par Stéphane Hessel ; j’y avais rencontré, entre autres, et pu converser avec Raymond Aubrac, grand résistant, et Yacef Saadi, nationaliste algérien, qui fut l’un des principaux acteurs de la bataille d’Alger, deux amis de Germaine Tillion.

Ce qui m’avait frappé au cours de nos entretiens, c’était sa sollicitude, sa volonté de comprendre et son extraordinaire empathie vis-à-vis du monde, des hommes et de leurs cultures. Ce fut aussi une grande intellectuelle qui ne se contenta pas de théoriser, mais su joindre l’action à sa réflexion et à ses connaissances : en tant qu’ethnologue en séjournant longuement dans les Aurès pour étudier les Chaouias, en s’engageant dans la Résistance, pendant la Guerre d’Algérie en essayant de sortir la population colonisée de sa misère en créant les centres sociaux, en créant l’enseignement dans les prisons, jusqu’à son grand âge, en 1995, lorsqu’elle participa à la défense des sans-papiers Maliens réfugiés dans l’église Saint-Bernard, à Paris.

Depuis hier matin, j’ai été sollicité par la plupart des médias régionaux, pour parler d’elle.
Je suis heureux que cette décision du président de la République permette de mettre en lumière les qualités extraordinaires dont Germaine Tillion a fait preuve tout au long de sa vie et contribue à rendre les habitants d’Allègre fiers d’être les concitoyens de cette « grande dame ».

 J.-L. FRAISSE 02 2014

 

Acte de naissance de Germaine TILLION

L'acte de naissance de Germaine Tillion

 

 Voici le document élaboré par René Bore qui atteste que Germaine Tillion est bien née dans le bâtiment qui jouxtait l'ancienne gendarmerie.